LISEA : Les inquiétudes à grande vitesse
Lisea, concessionnaire de la ligne à grande vitesse (LGV) reliant Bordeaux à Tours, avait exprimé en 2022 son souhait d’implanter un centre de maintenance des TGV sur une parcelle boisée de 18 hectares à Marcheprime-Croix d’Hins. Vital Baude, conseiller régional écologiste de Nouvelle-Aquitaine, dénonçait déjà en Novembre dernier les impacts environnementaux et sociaux de ce projet : déboisement, perturbation des circulations de TER et nuisances pour les riverains sont au programme. Malgré la demande d’abandon portée par de nombreux marcheprimais et soutenue par l’élu régional, jeudi 30 mars,le conseil municipal semble en avoir décidé autrement et a acté la cession de ces trois parcelles communales à Lisea.
Lisea déclare vouloir « faire son affaire personnelle des éventuels risques liés à cette acquisition sans recours contre quiconque ». Les risques liés à cette acquisition ne sont pourtant pas tous « éventuels », mais bien réels.
À commencer par les nuisances sonores que subiront les riverains qui, venus chercher le calme à Marcheprime, vont être exposés à des nuisances quasi constantes. Le site devrait fonctionner de jour comme de nuit, y compris le week-end. « Même si la société Lisea s’engage à ne pas faire entrer ou sortir de TGV du site entre 23 heures et 4h30 du matin, ces plages horaires sont insuffisantes pour la préservation de la tranquillité des habitant∙es », estime Vital Baude.
Autre problème : l’artificialisation des sols, qui ne cesse de miter des espaces naturels indispensables. « Des coupes rases vont être réalisées sur 12 hectares de forêt et une zone humide de 4 hectares va être détruite ! Nous devons au contraire préserver ces écosystèmes pour limiter le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, l’urgence est là et nous l’avons vécue douloureusement dans notre département l’été dernier », explique Vital Baude.
L’installation de ce technicentre inquiète les écologistes à plusieurs titres, notamment en ce qui concerne les fonctionnements des trains régionaux et du RER métropolitain Libourne-Bordeaux-Arcachon, considéré comme un axe structurant pour tout le département. Pour se rendre au centre de maintenance, les TGV occuperont les sillons des autres trains, ce qui gèlera leur circulation pendant plusieurs minutes à chaque passage.
De plus, la découpe en lots des secteurs d’activités ferroviaires pour la mise en concurrence et privatisation est une problématique à ne pas négliger. Cela entraine une multiplication des acteurs, et donc la fin de la mutualisation de ce type d’équipements. C’est la disparition d’un certain nombre d’économies d’échelle qui se traduira inévitablement par des hausses de prix pour les usagers. D’autres pays en ont déjà fait l’expérience. Sans oublier l’énième paradoxe environnementale auquel nous assistons : d’un côté la destruction d’espaces naturels, de l’autre des sites SNCF qui tombent en friches et qu’il faudra dépolluer.
Vital Baude interroge ainsi le choix de la privatisation d’un nouveau pan des services publics ferroviaires : « d’un point de vue économique, confier la maintenance des TGV à une entreprise privée nous paraît contre-productif. C’est poursuivre l’éclatement des services ferroviaires, déjà morcelés par l’allotissement des TER, l’ouverture à la concurrence des TGV, le désengagement de l’Etat qui ne met pas les moyens pour entretenir et dynamiser le réseau. »
Enfin, il souligne que de nombreuses interrogations demeurent. Comment ce centre de maintenance s’intègrera-t-il dans la gestion des transports ferroviaires de la Région ? Et au sein des stratégies nationales ? Quelles complémentarités avec les ateliers de maintenance de la SNCF déjà existants ? Quels financements publics sont envisagés ? Une fois le terrain vendu, quelle est la suite du processus ? Une étude d’impact sera-t-elle réalisée en amont ? « Pour toutes ces raisons, nous réclamons l’abandon de ce projet », conclut Vital Baude.